Juke-Box à Poésie › Max Jacob

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Chanson du mendiant
La pie en habit sur les pommes
Cinq vaches noires sur la tourbière.
Arrêtez-vous, beau gentilhomme,
Quand vous verrez passer la bière

Voici la soupe et la cuillère.
Ceux qui n'ont pas encore mangé
Vont s'asseoir chez la crêpière
La crêpière ou le boulanger.

Plus un grand pot de lait caillé
Portez l'enfant en promenade
Madame laissez-moi m'en aller
Quand j'aurai fini la salade.

Tisserand [...]
Chapeau
Une volée de pigeons sur un pommier,
une volée de chasseurs, il n'y a plus de pigeons,
une volée de voleurs, il n'y a plus de pommes,
il ne reste plus qu'un chapeau d'ivrogne
pendu à la plus basse branche.
Bon métier que celui de marchand de chapeaux,
marchand de chapeaux d'ivrognes.
On en trouve partout dans les fossés
sur les prés, sur les arbres.
Il y en a toujours des neufs, chez [...]
La Dame aveugle
La dame aveugle dont les yeux saignent choisit ses mots
Elle ne parle à personne de ses maux

Elle a des cheveux pareils à la mousse
Elle porte des bijoux et des pierreries rousses.

La dame grasse et aveugle dont les yeux saignent
Écrit des lettres polies avec marges et interlignes

Elle prend garde aux plis de sa robe de peluche
Et s'efforce de faire quelque chose de plus

Et si je ne mentionne pas son beau-frère
C'est qu'ici ce jeune homme n'est pas en honneur

Car il s'enivre et fait s'enivrer l'aveugle
Qui rit, qui rit alors et beugle.
Jouer du bugle
Les trois dames qui jouaient du bugle
Tard dans leur salle de bains
Ont pour maître un certain mufle
Qui n'est là que le matin.

L'enfant blond qui prend des crabes
Des crabes avec la main
Ne dit pas une syllabe
C'est un fils adultérin.

Trois mères pour cet enfant chauve
Une seule suffisait bien.
Le père est nabab, mais pauvre.
Il le traite comme un chien.

Coeur des Muses, tu m'aveugles
C'est moi qu'on voit jouer du bugle
Au pont d'léna le dimanche
Un écriteau sur la manche.
La Roue du moulin
Le chant de ma rivière où est le pont du gué 
comme voix de chapelle et voix de sansonnet 
pour y conter ma peine j'y vais après souper 
au fil de l'eau courante ma peine et mon regret.

Au chant de l'eau courante je me suis endormi
alors j'ai vu ma belle et la belle a souri :
« Pour qui sont donc, lui dis-je, ces pierres de rubis ? 
et ces fleurs de jardin inconnues au pays ?
— Meunier, [...]
Mille regrets
J'ai retrouvé Quimper où sont nés mes quinze premiers ans
Et je n'ai pas retrouvé mes larmes.
Jadis quand j'approchais les pauvres faubourgs blancs
Je pleurais jusqu'à me voiler les arbres.
Cette fois tout est laid, l'arbre est maigre et nain vert
Je viens en étranger parmi des pierres
Mes amis de Paris que j'aime, à qui je dois
D'avoir su faire des livres gâtent les bois
En entraînant [...]
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